Droits de l'homme et environnement

Débats organisés par la Fondation Earth Focus et ICVolontaires
10 étudiants de l'Académie d'Aga Khan de Mombasa, Kenya, ont participé dans les récents débats sur les droits de l'homme.
10 étudiants de l'Académie d'Aga Khan de Mombasa, Kenya, ont participé dans les récents débats sur les droits de l'homme.
By Alister Bignell, traduction française Véronique Litet, traducción española Isabelle Guinebault
28 avril 2008

Un débat à l'attention des étudiants sur le thème de l'avenir des droits de l'environnement et la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) s'est déroulé le 17 avril dernier au Centre International de Conférence de Genève. Des étudiants des écoles de Genève et Mombasa ont participé à cet événement organisé par la Fondation Earth Focus et ICVolontaires. Cette manifestation a permis de découvrir les ressources documentaires existantes sur les droits de l'homme proposées par des experts ainsi que les projets visant à les améliorer et à les appliquer.

Parmi les participants, étaient présents M. Kirk Boyd, avocat spécialisé dans les droits de l'homme et co-responsable du projet de recherche de la Convention internationale des droits de l'homme, Mme Bruna Molina-Faidutti, avocate spécialisée dans les droits de l'homme à l'échelle internationale, et Vita de Waal, directrice générale de l'organisation Foundation for Gaia.

Le projet de recherche de la Convention est une initiative de la faculté de droit de la Berkeley University California qui vise à apporter des solutions à l'évolution future de la législation sur les droits de l'homme. Officiellement lancé le 29 février 2008, le projet "2048" a pour but d'enseigner aux étudiants les droits de l'homme et les documents les représentant tout en les mobilisant. Le document central, la DUDH, fête son 60ème anniversaire cette année. "Où doit se situer cette liste de droits en 2048?" s'est interrogé M. Boyd, considérant le projet "2048" comme un moyen de répondre à cette question.

Le site Web du projet "2048" sert de source d'informations de référence et de forum afin que tout le monde puisse soumettre ses idées sur la ré-écriture de la DUDH. Les commentaires publiés sur le site Web sont évalués selon le poids des idées (non pas des prises de position) et constituent une manière d'encourager le dialogue international, selon M. Boyd. L'un des thèmes centraux de ce dialogue concerne l'intégration des droits de l'environnement dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont ils sont exclus. En effet, les experts ont souligné l'indivisibilité des droits de l'homme et de l'environnement, ces derniers ayant toujours été considérés comme un sujet à part. L'acception de l'interdépendance de ces questions sur le plan juridique aurait un plus grand impact sur la réduction des effets du changement climatique, toujours selon M. Boyd. Citant Al Gore, celui-ci a déclaré "Il est important de changer les ampoules, il est bien plus important de changer les lois."

La législation actuelle n'inclut pas la Déclaration universelle des droits de l'homme, ni ne s'applique au-delà des états, selon Mme Molina-Faidutti. Après avoir détaillé les différentes conventions des droits de l'homme, l'avocate a réaffirmé le besoin de créer un tribunal des droits de l'homme universel, indépendant et autonome qui ne soit pas contrôlé par des états. Ce tribunal s'intègre dans la vision de la Convention internationale des droits de l'homme et du projet « 2048 », et permettra d'appliquer les droits de l'homme au-delà du niveau local. Mme Molina-Faidutti a ajouté que l'absence de système judiciaire lié aux droits de l'homme a conduit au non-respect de droits fondamentaux, sans que quiconque ne soit rendu responsable. "Les droits de l'homme vivent des heures bien sombres" a-t-elle commenté.

La responsabilité des entreprises a été longuement évoquée dans la présentation de Vita de Waal. L'avocate a mis en évidence les inégalités croissantes de la mondialisation et le lien étroit entre l'environnement et les droits de l'homme. Les effets de ce lien sont visibles dans les pays d'Afrique et d'Asie, où la population souffre des conséquences de l'exploitation des ressources par les entreprises.

À propos des prêts accordés à ces pays, Mme de Waal a déclaré: "Très souvent, ils sont accordés sous condition. Les ressources doivent être mises à disposition des entreprises qui viennent se servir. Ensuite, celles-ci s'en vont et c'est aux pays de gérer les conséquences désastreuses." Selon de Waal, le Fonds monétaire international (FMI), le Fonds monétaire européen (FME) et la Banque mondiale (BM) soumettent fréquemment ces conditions d'obtention de leur prêt.

"L'exploitation de l'environnement par les entreprises et les problèmes récurrents de biopiraterie (brevetage de semences) se poursuivent car les entreprises ne sont pas légalement tenues de signer des traités," a expliqué Mme de Waal. Les rares exceptions à cette règle sont le fruit des actions menées par les citoyens, poursuit-elle, comme en Inde, où la population s'est mobilisée pour qu'un traité protège leurs semences.

La protection de l'eau représente également un impératif, qui implique notamment la redéfinition de l'eau en tant que droit et non en tant que marchandise. Elle a ajouté que l'utilisation de l'eau comme bien marchand a permis l'exploitation des pays les plus pauvres par les entreprises privées.

Pourtant, la solution à la pénurie d'eau existe, mais elle est soit méconnue soit écartée. Mme de Waal nous révèle qu'un extracteur d'humidité solaire pourrait répondre aux besoins en eau pratiquement partout dans le monde.

Cet appareil, simple et aisé à entretenir sur site, se compose d'un panneau solaire de base (facile à fabriquer et à entretenir), d'un filtre et d'un réservoir d'eau. L'extracteur refroidit l'air circulant dans les panneaux réfrigérés (maintenus à froid par les panneaux solaires), ce qui forme la condensation qui s'écoule à travers le filtre pour être recueillie par le réservoir.

Ce dispositif a suscité un vif intérêt auprès des étudiants, curieux de savoir ses coûts et son application pratique. Une production de masse est possible afin de répondre aux besoins des 1,1 milliard de personnes qui, selon l'ONU, sont privés d'eau potable. Cependant, Mme de Waal a reconnu qu'il existe toujours des obstacles au projet, notamment les liens, voire la dépendance des gouvernements vis-à-vis des entreprises de distribution d'eau et la réticence à investir dans d'autres pays qui pourraient fabriquer cet appareil.

Après l'exposé de Mme de Waal, les étudiants ont été répartis en petits groupes pour permettre d'organiser des discussions plus approfondies avec chacun des experts. Ces échanges ont révélé la lassitude des étudiants face à la lenteur du changement et le manque de législation des droits de l'homme.

L'après-midi, sous la direction de Frederik de Cock, directeur associé, les étudiants ont présenté et discuté de sujets liés à l'environnement et aux droits de l'homme. Le débat a abordé des problèmes controversés et exigeants, mettant en évidence des perspectives et des positions différentes ou opposées, parfois des solutions alternatives. Comment concilier la diversité culturelle et l'universalité? Comment allier la simple énonciation des principes et leur applicabilité? Comment respecter à la fois les croyances religieuses, les droits des minorités, les convictions éthiques, les intérêts privés et les autorités nationales?

Partant du principe que le changement est devenu à l'heure actuelle une priorité, l'assemblée a été mise face à une "zone d'ombre" de compromis et a dû trouver un équilibre entre droits et devoirs, libertés et responsabilités. Ces efforts certains d'améliorer de manière conceptuelle la Déclaration se sont heurtés aux inévitables préoccupations quant à la mise en œuvre de ces améliorations et son application réaliste. Les étudiants ont déterminé la position des pays développés et en voie de développement sur l'environnement. Ils ont souligné l'importance de la connaissance des questions environnementales et se sont montrés très sensibles au manque d'application des déclarations officielles.

L'après-midi s'est achevé par une déclaration d'engagement officielle approuvée par l'ensemble de l'assemblée:

"Après s'être réunis et avoir discuté des droits de l'environnement, nous en avons conclu qu'il était souhaitable de les inclure dans la Convention internationale des droits de l'homme. En outre, bien qu'il y ait plusieurs avis sur la question, nous reconnaissons unanimement que les droits de l'homme doivent être appliqués et abordés dans un esprit de responsabilité collective mondiale."

Voir les photos des débats.

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